Mar 14

Anges et monstres à travers la tapisserie d’Angers

Peu de textes bibliques se prêtent autant à l’illustration que ce dernier écrit de St Jean à Patmos, portant ce nom redouté, avant que d’être compris, engendrant toutes formes de terreurs et d’angoisses : l’Apocalypse. Livré à l’intense imagination des peintres, des graveurs, (Dürer), des sculpteurs, il peut devenir instrument de torture pour l’émotivité, l’intelligence et peupler notre imaginaire de fantasmes plus redoutables encore que les symboles johanniques.

Nous laisserons prudemment aux exégètes leur travail d’interprètes et entrerons délibérément dans la perspective de l’illustration fort célèbre de l’Apocalypse que donne à voir la grandiose tapisserie exposée dans l’antique château d’Angers. De plus, nous limiterons notre « coup d’oeil » à un thème unique : la représentation des anges et des monstres, en cette fin de 15ème siécle flamboyant, à travers l’habileté de tapissiers surdoués.

Apocalypse, les angesOn a pu dire, l’apparence le confirmerait, que les anges sont les véritables ACTEURS de la dramatique céleste, composée d’un va-et-vient permanent entre ciel et terre. Les anges sont omniprésents, serviteurs de Celui qui siège sur le trône et que Jean entend et voit en vision. Si une voix puissante assigne à chaque commencement leur tâche aux messagers divins, reste qu’ils exécutent avec empressement ce qui est dit et doit se produire : des malheurs, souvent sur une terre qui va se détruisant.

La figuration de la tapisserie est classique : les anges déploient leurs ailes multicolores en un splendide jeu de couleurs. Combien sont-ils ? des dizaines, des milliers ? des milliers de milliers ? autant de mains prêtées à Dieu, toujours entouré d’une cour céleste, attestant que le ciel n’est pas vide.

Ils sont reconnaissables,malgré quelques infidélités au texte de St Jean.

Le rôle propre des anges, le support de leurs actions.

La peinture classique,à laquelle se rattache souvent notre imaginaire de piété nous a habitués à percevoir les anges comme doux messagers de la parole divine.Tel Gabriel, dans la scène de l’annonciation de Fra Angelico.

Et venus de Patmos, d’Angers,et au fond de partout, ils nous livrent un autre message ! Certes, ils participent à la louange divine, ils chantent d’abord la gloire de leur Seigneur (Ap,v,13), mais plus que partout, ils participent à la vie, et à la destruction des éléments de ce monde, participant de la « colère « de Dieu,avant que n’éclate sa victoire.

L'ange vide son encensoir | Le premier flacon versé sur la terre. | Deuxième trompette : le naufrage. Apocalypse VIII, 8-9 | L'ange au livre. Apocalypse X, 1

Les instruments qui permettent l’action des anges sont… à leur portée : encensoir, flacons, trompettes, livres. On croit voir monter l’encens, couler le liquide destructeur, tandis que retentit une des dernières trompettes !

L’un des anges est particulièrement important. Il tient en sa main le livre des livres que Jean doit assimiler.

L’ange dit à St Jean en lui tendant le Livre

« Prends-le et avale-le, il sera amer à tes entrailles et dans ta bouche doux comme du miel »

ainsi en est-il de la Bible, livre de Dieu.

L'ange au livre. Apocalypse X, 1

MONSTRES ET BÊTES DE LA TAPISSERIE D’ANGERS

L’Apocalypse fourmille de monstres et de bêtes, à peine repérables pour notre perception commune. Si la forme de quelques animaux, comme les quatre chevaux, est respectée, leur couleur violente est déjà quasi surréaliste : blanc, rouge, noir et verdâtre. Le monstre central identifiable comme un dragon maléfique est de loin plus inquiétant que l’antique serpent dont il est la réplique finale. Refoulé des espaces célestes, il rôde, à la recherche de sa proie. Ici, la femme couronnée d’étoiles, double emblème de Marie et de l’Église.

Tapisserie d'Angers - La femme revêtue du soleilTapisserie d'Angers - La femme revêtue du soleilTapisserie d'Angers - La bête de la mer
La femme revêtue du soleil ↑ Apocalypse XI, 19 et XII, 1-6 — La Bête de la mer ↑ Apocalypse XII, 1-2.

Dérisoire avec ses multiples têtes, il est, en soi vaincu, mais poursuit son œuvre meurtrière. Il est doublé de bêtes hallucinées, dépendant de sa puissance, guettant entre mer et terre l’adhésion d’admirateurs potentiels. Parmi ces créatures, composées d’éléments disparates, dans ce monde où tout est accompli ou doit s’accomplir, comment trouver la forme de l’homme si importante pour donner sens au cosmos ?

La Tapisserie d'Angers - L'ange et l'agneau de DieuLes antiques tapissiers d’Angers, en écho au texte de St Jean, nous donnent une réponse visuelle. Les temps ne sont pas venus de la manifestation complète de Dieu. Lui-même siégeant sur un trône se laisse percevoir par la blancheur immaculée de ses cheveux ; on ne voit pas son visage. De même la victoire du Christ sur ses ennemis traditionnels est reconnaissable dans le symbole de l’Agneau « debout, comme immolé ».

Point après point, travail de jour et de nuit, les dizaines de mètres de la tapisserie restituent avec leur génie propre une grande partie des thèmes apocalyptiques.

Ici le simple « coup d’œil » suppose une élaboration plus approfondie où la prudence est de mise. Un jour ou l’autre, il faut dépasser les images qui sont une possibilité du texte pour intérioriser ce qui de loin nous dépasse.

Annick Rousseau

La tapisserie d’Angers, miniatures et citations
Tapisserie de L’Apocalypse d’Angers
À l’origine la tapisserie était composée de six pièces mesurant chacune près de 25 m de long sur 6 m de haut

Nov 9

La Bible des famillesMême à l’occasion d’une rentrée littéraire, on ne fait pas de pub pour faire l’éloge d’une Bible. Chacun connaît ce « livre le plus lu au monde ». On peut seulement regretter que ces pages fragiles, contenant la Révélation divine en son entier, ne soient pas davantage, grises, froissées, à force d’être consultées.

« La Bible des familles » qui vient d’être éditée semble un remède efficace contre cette désertion.

C’est un très bel ouvrage, présenté dans la version liturgique du texte, conçu par des auteurs compétents, soucieux de faire connaître le message biblique essentiel. Ils l’adaptent aux exigences de l’esprit moderne, curieux, rapide, tolérant mal les notes minuscules au bas des pages ou l’allusion à des coutumes ou des manières de pensée dont il ignore à peu près tout. Message pour les parents, les catéchistes et tout lecteur potentiel. C’est un premier point. Le second est nettement dirigé vers ces têtes blondes, ignorantes — et c’est normal — que sont les enfants, petits et grands. Ils sont très tôt fascinés par la couleur, le mouvement, les graphismes ; il ne s’agit pas de nier leur monde, mais de l’orienter, de le façonner à l’aide d’illustrations porteuses de beauté.

« La Bible des familles » répond, avec rigueur et une grande intelligence pastorale à ces deux soucis. À la fois par la présentation limpide du texte : titres en rouge, textes choisis mis en valeur, suivis de cahiers complémentaires et de la discrète présence d’un maître, d’un ami, plutôt, « pour vous accompagner ». On peut apprécier les multiples schémas, cartes et évocations historiques de la vie réelle des personnages, acteurs de l’un et l’autre Testament.Cosmologie des anciens

Pour donner quelques exemples : les auteurs ont choisi les illustrations dans un souci pédagogique de nous expliquer la vision cosmologique des Anciens. Ils renouent souvent avec les miniatures des livres d’heures, le tympan des cathédrales, et les toiles de grands maîtres de la peinture. Apparaît ainsi un fond esthétique, celui de l’art sacré, qui élève l’esprit en parlant au cœur.La Bible des familles

Fra Angelico, Vermeer, Chagall mais aussi des artistes contemporains. Il suffit de tourner les 1195 pages du volume…

L'ApocalypseLa sortie d'ÉgypteNous avons gardé pour la fin de ce « coup d’œil » trop succinct, notre coup de cœur : Les illustrations inédites d’Éric Puybaret, silhouettes élégantes des paysages et des personnages vêtus de tons pastels, évoquant sobrement une scène sans ligoter l’imaginaire, un talent où le dessin renforce le texte, sans le remplacer.

Jacques Fichefeux - La Bible des familles

    Les auteurs :

  • Jacques FICHEFEUX, responsable de la formation diocèse de Fréjus-Toulon
  • Claire Patier, exégète
  • Éric Puybaret, dessinateur

(Prix de l’ouvrage: 25 euros.)

Annick Rousseau

Jan 29
ACCUEIL
icon1 dd | icon2 | icon4 29.01.2010| icon3Commentaires fermés sur ACCUEIL | 14 605 vues

Des textes courts, intitulés « COUPS D’ŒIL » dans lesquels vous trouverez divers articles reflétant un regard chrétien sur des réalités courantes (éducation, livres récents, théâtre, chants) ; toutefois l’essentiel des coups d’œil essaie de capturer la singulière beauté d’œuvres jaillies d’artistes chrétiens, de la mosaïque de Ravenne au célèbre retable d’Enguerrand, du carton de la tapisserie d’Angers sur l’Apocalypse à la vie mystérieuse de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume, des icônes orientales aux vitraux de Kim en Joong

Chaque thème est illustré, se suffit à lui seul, et se donne à lire page après page, selon l’intérêt de chacun.

Samuel

Un texte long, intitulé « CHEMINS VERS L’ORAISON » est une approche simple de la prière à partir de ses toutes premières formulations. 10 étapes sont proposées, sans rigidité, ni obligation incontournable. Il y a mille et mille chemins pour partir à la recherche de Dieu, dans ce dialogue en toute rigueur secret, que l’on nomme « prière » ou « oraison ». Lui répond de mille et mille façons différentes, car il est l’immensité divine, dont hauteur, largeur et profondeur sont insondables. Il faut être trop audacieux,et sans doute naïf pour proposer un itinéraire au cœur de mystères qui nous dépassent. Reste que si nous nous taisons, à notre simple niveau, « les pierres crieront », tandis que dans notre silence complice du monde s’élévera la voix de dieux de substitution et d’idoles séductrices.

Samuel